Comment être pertinent en email marketing ?

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Vous avez sûrement déjà vu passer la fameuse pyramide utilisée par Maslow pour hiérarchiser les besoins humains. Cette hiérarchie des besoins a été détournée par la firme Litmus il y a quelques années, pour guider les marketeurs du monde entier vers un ambitieux objectif : être pertinent pour leur audience !

"Simplicité et pertinence"

Flashback : nous sommes en février 2018 à Montréal, j’assiste à une série de conférences organisées par une agence de marketing relationnel. Une de ces conférences est donnée par Maurice Vaillancourt, alors directeur marketing & relation client chez Keolis Canada.

Keolis est une entreprise française présente au Québec, où elle exploite des lignes de bus dans la province, et notamment entre Montréal et Québec. Lorsque Maurice rejoint l’entreprise, la maturité numérique de celle-ci est très basse, au niveau 1 de notre modèle de maturité : elle se contente par exemple d’envoyer des newsletters ponctuelles à toute sa base de contacts, sans distinction.

Le mandat de Maurice est “d’accompagner l’entreprise dans une profonde transformation organisationnelle et une ère d’innovations digitales. La pierre angulaire de ce mandat étant l’implantation d’un plan stratégique dans lequel le client est au cœur des préoccupations et où la prise de décisions est guidée par les données.

Un objectif ambitieux qu’il va mener à bien grâce à un motto qui m’a beaucoup marqué et que j’ai fait mien : “simplicité et pertinence”.

La simplicité, c’est avancer pas à pas, d’améliorations évidentes en améliorations évidentes. Par exemple, commencer par segmenter la base de contacts en deux pour ne plus envoyer une seule newsletter générique, mais deux différenciées. Puis encore diviser en deux, et encore, et encore… Et au fur et à mesure, se retrouver avec plein de segments très précis et des centaines de milliers de messages différents selon les canaux, le timing, etc. (des centaines de milliers ? Oui oui, voir en fin d’article).

La pertinence, c’est se demander si le message que je pense envoyer à mon groupe de contacts lui sera utile, lui apprendra quelque chose.

Si la simplicité est importante pour toujours avoir de petites victoires à célébrer, c’est bel et bien la pertinence qui permet de bâtir progressivement une relation profitable entre un destinataire et une marque, et de développer le graal de toute marque : la confiance.

Le problème avec la pertinence, c’est qu’elle est difficile à identifier pour quiconque pilote un programme d’email marketing (ou plus largement, de marketing relationnel). Et pour cause : la pertinence se définit au niveau du destinataire, pas à celui de la marque qui envoie ses emails.

La pyramide de la pertinence

Pourtant, en 2017, Chad S. White, alors directeur R&D chez Litmus, a proposé un modèle permettant de décrire et mesurer la pertinence selon quatre niveaux d’une pyramide qui s’inspire de celle de Maslow.

Selon ce modèle, nommé “Hiérarchie des Besoins du Destinataire”, la pertinence consiste à remplir chacun des quatre besoins de cette pyramide, donc à créer une expérience qui soit :

  • Respectueuse
  • Fonctionnelle
  • De grande valeur
  • Remarquable

Une expérience respectueuse

Au niveau inférieur de cette hiérarchie, les destinataires ont d’abord besoin que les marques soient respectueuses.

C’est-à-dire :

  • qu’elles demandent explicitement la permission avant d’envoyer des emails, par exemple via une case à cocher ;
  • qu’elles expliquent clairement ce qui attend le destinataire après avoir donné sa permission, autant en terme de fréquence de réception que de contenu des messages ;
  • qu’elles n’abonnent aucun destinataire à leur insu ou de force ;
  • qu’elles offrent la possibilité d’ajuster ses préférences de réception d’emails, tant sur la fréquence que sur le contenu ;
    qu’elles permettent de se désinscrire facilement d’un programme d’email marketing ;
  • et qu’elles retirent même, elles-mêmes, les destinataires inactifs de leurs programmes.

Ces requis s’appliquent à tous les emails qui ne sont pas transactionnels. Dans le cas d’un email transactionnel, la permission est induite car le message est attendu par le destinataire — mais ça ne signifie pas que cette permission est aussi accordée pour d’autres types de messages.

Il est parfois facile de penser que des messages pertinents peuvent compenser une absence de permission. C’est pourtant une mauvaise idée : la permission est le premier ingrédient qui permet de créer de la pertinence, et donc de la confiance. Ne pas respecter une permission, ce n’est pas seulement annihiler toute pertinence, c’est surtout briser toute confiance que le destinataire pouvait avoir envers votre marque, ce qui peut être très néfaste pour votre capital de marque.

Pour évaluer le degré de respect de vos emails, les métriques à observer sont le taux d’ouverture et les signalements comme spam. Un faible taux d’ouverture dans une relation qui débute signifie que vous n’avez pas rempli tous les requis ci-dessus, et un faible taux d’ouverture plus tard indique un manque d’intérêt qui doit être interprété comme une permission échue.

Le centre de préférence de Spotify, modèle du genre

Une expérience fonctionnelle

Au niveau suivant, les destinataires ont ensuite besoin que les marques leur envoient des emails fonctionnels.

C’est-à-dire :

  • que l’email s’affiche correctement sur l’appareil que votre destinataire utilise, que ce soit un mobile, une tablette ou un ordinateur, et quel que soit le email client utilisé ;
  • que le texte soit lisible et que les liens soient assez espacés pour qu’ils puissent être cliqués sans problème, que ce soit avec une souris ou avec un gros doigt ;
  • que les liens dirigent vers la destination annoncée ;
  • et que le contenu soit dépourvu d’erreurs.

Ce besoin repose essentiellement sur l’attention portée, par l’expéditeur, à son assurance qualité.

Et si cela peut paraître simple en apparence, les spécificités de l’email et des nombreux email clients rendent déjà ce second niveau assez périlleux. Coder un email en HTML/CSS est très différent que coder une page web, et quiconque en a déjà fait l’expérience sait de quoi je parle 😉 Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on trouve des développeurs spécialisés en email et des outils dédiés à ce type de développement (Litmus et Email on Acid par exemple).

Et c’est aussi pour ça que des ESPs comme Mailchimp connaissent un franc succès depuis plus de 10 ans : ils permettent de créer des emails fonctionnels très facilement, sans avoir à connaître les nombreuses spécificités de ce média. Pour combler ce second besoin, la plupart des ESPs sont suffisants tant qu’on ne souhaite pas un design très original.

Pour évaluer à quel point vos emails sont fonctionnels, la métrique à observer est le taux de clics. Par exemple, si vos emails ont des liens brisés, des images qui ne s’affichent pas ou un texte trop petit pour être lu sur mobile, vos clics vont logiquement en souffrir.

Spotify envoie généralement des emails beaux et parfaitement optimisés

Une expérience de grande valeur

Pour créer des relations profitables avec leurs destinataires, les marques doivent leur faire vivre des expériences de grande valeur. Que ce soit avec des offres, des actualités, des alertes ou n’importe quel autre type de contenu, les destinataires doivent trouver vos emails utiles.

Si ceci est généralement vrai pour les emails transactionnels, demandés et attendus par le destinataire, c’est beaucoup plus rare pour les autres types d’emails. D’expérience, c’est d’ailleurs à ce niveau de la pyramide que la plupart des marques pêchent : elle ne parviennent pas à délivrer des emails utiles, à forte valeur pour leurs destinataires.

Et justement, c’est ici que l’email marketing adapté au cycle de vie du client (le lifecycle marketing) prend toute son importance, car c’est lui qui permet d’envoyer des messages au bon moment et de provoquer une action immédiate.

Une des raisons qui provoquent cette lacune de beaucoup de marques est l’absence d’outils appropriés pour délivrer ces emails utiles, envoyés et reçus selon un contexte particulier.

Ces outils, ce sont les plateformes de marketing automation et autres eCRM. Grâce à leurs fonctionnalités de segmentation avancée, de personnalisation du contenu, de recommandation de produit et de contenu, et bien sûr d’automatisation, ce sont elles qui permettent de délivrer le bon message, à la bonne personne… et au bon moment.

Au-delà de ces outils souvent absents ou peu exploités, la connaissance du client et de son cycle de vie (ou parcours d’achat) revêt une importance capitale, car c’est elle qui permet de définir une stratégie appropriée pour accompagner ce cycle de vie. Ainsi, satisfaire ce besoin de “valeur” des emails est beaucoup plus périlleux que les deux besoins inférieurs.

Pour mesurer la valeur apportée par vos emails, Chad White recommande de suivre les métriques de conversions et de revenu généré. Je suis plutôt d’accord avec lui, mais avec une petite nuance. Il est parfois impossible d’analyser ces métriques à l’échelle d’un seul email, et on doit alors effectuer cette analyse à une échelle supérieure, en regardant les performances d’une campagne voire même d’un programme entier (par exemple dans le cas d’une campagne d’onboarding composée de plusieurs emails). Ceci est encore plus vrai si votre modèle d’affaire est l’abonnement, comme c’est le cas pour un éditeur de logiciel SaaS ou encore Spotify. Dans ce cas, la métrique à suivre serait plutôt la rétention.

Spotify vous écrit régulièrement pour vous prévenir de concerts à venir près de chez vous ou de sorties d'artistes que vous écoutez

Une expérience remarquable

Enfin, les destinataires ont besoin que les emails qu’ils reçoivent délivrent, au moins de temps en temps, des expériences remarquables, des expériences qui valent le coup d’être racontées à son entourage.

Nous sommes des créatures sociales et nous aimons être en position de partager du contenu de grande valeur avec nos amis, notre famille ou nos collègues, et ce, avant les autres. Nous sommes prêts à faire la promotion d’une marque ou d’un produit auprès de notre entourage, mais nous avons besoin de quelque chose qui vaille le coup d’être partagé en nous mettant en valeur. Dans le cas d’un email, ça peut être une offre exceptionnelle, un contenu exclusif ou une expérience unique.

Un parfait exemple de ce type d’emails remarquables sont les emails annuels de fin d’année qu’envoie Spotify à ses abonnés : un email personnalisé qui contient des palmarès et des statistiques de ce que l’abonné a écouté pendant l’année. Comme ces emails sont uniques à chaque destinataire et le mettent généralement en valeur, ils sont très facilement partagés à l’entourage, via un transfert de mail ou un partage sur les médias sociaux.

Les métriques à suivre pour évaluer ce caractère remarquable d’un email ou d’une campagne sont justement les partages (via transfert de mail ou sur les médias sociaux). En plus de générer de la notoriété pour votre marque, d’aider à l’acquisition de nouveaux clients, de booster l’engagement et de générer de nouvelles conversions, les partages représentent un puissant indicateur de la santé globale de votre programme d’email marketing. Utilisés pour mesurer le niveau supérieur de notre pyramide, les partages sont le signe que vous satisfaites les besoins du destinataire au plus haut point — vos emails ne sont pas juste pertinents, ils sont hautement pertinents.

Bien sûr, un programme d’email marketing qui satisfait les trois premiers besoins des destinataires est déjà un succès. Mais si on vise la perfection, si on veut que nos emails soient mémorables et que notre marque soit reconnue pour la qualité de ceux-ci, il faudra se consacrer, au moins de temps en temps, à créer des expériences remarquables.

Créer ces expériences hors du commun demande une maîtrise avancée de différents domaines selon le type d’email qu’on souhaite envoyer : la maîtrise des données des utilisateurs, une connaissance approfondie du client pour lui envoyer une offre retentissante, la capacité à produire un contenu de très grande qualité et une maîtrise technique pointue.

Le traditionnel email récap de fin d'année de Spotify. Celui-ci était particulièrement long, ceux de 2017, 2018 et 2019 étaient beaucoup plus courts et renvoyaient vers un site dédié avec toutes les stats de l'utilisateur, pour augmenter l’interactivité (en jouant de la musique ou en ajoutant des animations par exemple).

Boucler la boucle avec Keolis

Comme je le mentionnais au début de cet article, Maurice a progressivement transformé le marketing relationnel de Keolis Canada, jusqu’à parvenir à un nombre incroyable de 660960 points de contacts différents à travers toute l’entreprise.

C’est ce qu’il présentait dans une vidéo que j’ai retrouvé sur un site québécois. Au-delà du montage sublime et de la musique à peine kitsch, son contenu est vraiment intéressant pour qui voudrait faire passer son marketing à l’ère moderne, à l’ère des données clients.